Chapitre 3

La justice comme un contre-pouvoir ?

Les activistes du climat qui ont massivement occupé l’espace public par leurs grèves, leurs actes de désobéissance civile ou l’occupation de « zones à défendre » ont eu leurs heures de gloire entre 2018 et 2020. Puis le Covid-19 est arrivé. La pandémie a ralenti les actions de protestation, mais pas la justice : fin 2023, des procédures sont encore en cours. C’est le moment de faire le point de la situation, d’en tirer quelques  enseignements et d’esquisser des évolutions possibles pour l’avenir.

Avec les interviews de l’avocate Irène Wettstein et trois jeunes militants : Mathilde Marendaz, Cynthia Illi et Théodore Savary.

Nouveaux types d’action et réponses  politiques démesurées

Trois actions contestataires ont attiré l’attention en cette année 2023, non pas par leur éclat ou leur force, mais par la réaction disproportionnée des autorités politiques policières et judiciaires. La première affaire a été déclenchée par trois jeunes de la grève du climat qui ont publié l’appel suivant sur les réseaux sociaux : « Par éthique, morale, responsabilité écologique et sociale, nous ne consentons pas à payer la taxe, ni à aller au service militaire. Si vous devez payer la taxe militaire, ne la payez pas (…). En remplacement, nous vous invitons à faire don de cet argent à des organisations en rapport avec nos valeurs (…). Si vous êtes appelés au service militaire, n’y allez pas (…) apportez votre temps et énergie ailleurs, par exemple dans la milieu agricole », ou à « un service différent, comme par exemple un service climat qui saurait correspondre aux réels besoins actuels ».[1]

Cet appel au boycott a déclenché un déferlement de moyens policiers et judiciaires, à commencer par trois perquisitions à 6 heures du matin au domicile familial des trois jeunes, encadrés par des agents de la police fédérale venus de Berne en hélicoptère et une dizaine d’agents de la police cantonale. Au Parlement fédéral, le Conseiller national Jean-Luc Addor a interpellé le Conseil fédéral, exigeant une enquête du Ministère public fédéral. La Conseillère fédérale Karin Keller Sutter, alors en charge de la justice, ayant refusé l’injonction, l’élu valaisan a porté plainte personnellement auprès du procureur, lequel a soumis une requête pour ouvrir une procédure à la même conseillère fédérale qui cette fois a donné suite. En juillet 2023, ladite procédure aboutit donc à un procès au Tribunal pénal fédéral, deux ans après l’appel au boycott, lequel acquitte les prévenus. En octobre on apprend que ce jugement est définitif, le Ministère public ayant renoncé à faire recours.

Aux yeux de plusieurs avocats et des médias, cette affaire prend une dimension disproportionnée, voire ridicule, même si le TPF a considéré que les éléments constitutifs de l’infraction (art. 276 CP, appel à la désertion) étaient réunis pour deux des trois prévenus. Il a pourtant donné la priorité à la liberté d’expression. Le ridicule réside surtout dans l’argumentation, aussi bien de la Conseillère fédérale que du procureur et du tribunal, selon laquelle le contexte politique du moment où a été lancé l’appel, soit en pleine pandémie et alors que l’armée avait été mobilisée pour soutenir les institutions sanitaires, représentait un danger global pour la sécurité de la population. Peut-on imaginer sans rire que les militaires mobilisés pour le covid allaient déserter massivement pour suivre l’appel des trois jeunes ? Bien entendu, Jean-Luc Addor s’indigne : « Ce juge unique semble garantir l’impunité à une petite minorité d’extrémistes militants qui violent régulièrement la loi. S’est-il arrogé le droit de faire le travail législatif du parlement ? ». Une chose est sûre : sans son acharnement, l’appel au boycott de l’armée aurait passé quasi inaperçu ! Lui et ses collègues ont donc contribué au retentissement de cette action. « Cette affaire laisse dans l’ensemble non seulement une facture salée pour l’Etat, mais également et surtout un sentiment de gâchis quant à des démarches pénales disproportionnées ayant eu pour seul effet de porter un grave coup à la liberté d’expression ».[2]

Autre cas emblématique d’une répression disproportionnée : celui du jeune Jérémy, 22 ans, soupçonné de s’être livré au sabotage de machines de chantier chez Holcim, une action menée en 2022. Jérémy fut arrêté et placé en détention préventive une année plus tard, en mars 2023, un délai qui semblerait pouvoir exclure le risque de collusion. De plus, un cahier dans lequel il notait des éléments pour préparer sa défense, lui fut confisqué dans sa cellule en son absence et remis au Ministère public, une violation du secret de la défense. Son comité de soutien a dénoncé bruyamment à plusieurs reprises cet « acharnement juridique ». Libéré en juin 2023, après trois mois d’incarcération, Jérémy attend maintenant son procès.

On peut encore faire mention des déboires d’un jeune Genevois parti manifester avec d’autres militants contre les méga-bassines de Sainte Soline, en France, et qui n’est jamais arrivé sur les lieux, arrêté net par la police française. « Elle m’a regardé droit dans les yeux et m’a dit que je représentais une menace sérieuse pour la sécurité du pays », raconte-t-il. Il apprend par la suite qu’il est « fiché S » en France, sans recevoir la moindre information sur les raisons de cette mesure, sauf qu’elle relève de la sûreté de l’Etat. Selon son avocate, « c’est sans doute la première fois qu’on utilise ces méthodes de lutte anti-terroristes contre un militant climatique étranger ».

Ces faits s’inscrivent dans un climat social tendu. En France ou en Allemagne, des détracteurs des activistes arrosent les médias de propos virulents qui font froid dans le dos ! L’ONU elle-même est mise en cause, accusée de créer un « sentiment d’angoisse existentielle » chez les jeunes. A partir de là, des « petits noyaux actifs pourraient décider de passer à l’acte terroriste ».[3] Par ailleurs, traités de « détraqués » par le chancelier allemand Olaf Scholz, des activistes sont inculpés pour « constitution d’organisation criminelle », ce qui réjouit le syndicat de la police : c’est bien pour a population « qui souffre mille fois par jour de le terreur de rue de ces sauveurs autoproclamés du climat ».[4]

De quoi ces méthodes pour le moins brutales sont-elles le signe ? D’un raidissement, sur le plan international, du pouvoir politique et de son bras armé les brigades antiterroristes ? Certains évoquent une « judiciarisation des forces de l’ordre ». On peut au contraire faire l’hypothèse d’une rupture entre le pouvoir politique et la justice. En Suisse, les élus ont montré peu de compréhension envers les activistes du climat, même à gauche, et la sévérité à leur égard s’est parfois durement exprimée  durant la campagne pour les élections fédérales d’octobre 2023.

Le point sur la répression contre les activistes et la désobéissance civile

Lors d’un débat récemment organisé à Genève sur la justice face à la désobéissance civile, le procureur Yves Bertossa a estimé qu’« il y a parfois trop d’attentes envers la justice : « nous sommes tenus d’appliquer le droit existant, qui, en l’état, sanctionne ». Il reconnaît toutefois que les procès offrent une tribune pour défendre une cause. « La répression est un élément nécessaire au succès des militants pour la visibilité qu’elle offre », estime un participant. L’avocate Irène Wettstein nuance : « Ce n’est jamais le but premier des militants d’être arrêtés, jugés et condamnés ». « La justice peut même décourager celles et ceux qui voudraient se lancer dans des actions, ce qui est regrettable. »

*

 Qu’en disent les personnes que nous avons interrogées ?

Irène Wettstein [5]

Des  participants donnent leur identité parce qu’ils acceptent d’être condamnés. Mais quand on les mettra en prison et qu’ils verront jusqu’où va la justice, ils se rendront compte que c’est une aberration. Je suis admirative de ce qu’ils font. Je les trouve extrêmement courageux :  moi je n’ai pas ce courage.  

TS [6]

Ce qui me fait assez peur,  c’est que cette justice, en fonction de la manière dont elle s’est construite,  a un pouvoir  disproportionnée par rapport aux  outils dont nous disposons.  Le système judiciaire est basé sur des personnes conservatrices qui ne vont pas vivre les conséquences des crises environnementales et qui sont enfermées dans leur point de vue. Le fait que des militants arrivent à donner toute leur énergie pour défendre des causes, c’est très bien, mais on n’arrivera jamais à battre les juges sur leur terrain. C’est donc extrêmement compliqué de gagner.  S’il faut attendre que nos amis qui font des études de droit aujourd’hui aient 60 ans pour devenir juges, on est assez mal partis !

CI [7]

Le Mormont, c’est une colline perdue dans le canton de Vaud où les zadistes ne dérangeaient personne. Il ne s’agissait pas de bloquer le centre-ville, ni de faire du sabotage sur tous les chantiers en même temps. Cela ne portait pas atteinte à l’Etat ni à une entreprise privée. Les moyens déployés pour évacuer cette zad de quelques centaines de personnes révèlent que les rapports de force sont tout sauf équilibrés. Maintenant, il faut miser sur l’après. Plus on se concentre sur la volonté de détruire un système, plus on le renforce, paradoxalement. A continuer de se focaliser sur la destruction du capitalisme, on ne pense pas l’alternative. On oublie de prendre le temps de réfléchir à ce qu’on voudrait créer. Moi j’aimerais passer plus de temps à approfondir cette question.

On considère que la désobéissance civile est surtout efficace quand la répression indigne la population.  Ce qui est décisif, ce ne serait pas la pression des désobéissants sur les décideurs, mais la pression de l’opinion publique sur les décideurs. Dans les manifestations actuelles, si les activistes cherchent à obtenir la moindre punition possible, c’est en contradiction avec cet objectif. Il y a de quoi hésiter…

La position de TS.

Le Mormont, c’est une colline perdue dans le canton de Vaud où les zadistes ne dérangeaient personne. Il ne s’agissait pas de bloquer le centre-ville, ni de faire du sabotage sur tous les chantiers en même temps. Cela ne portait pas atteinte à l’Etat ni à une entreprise privée. Les moyens déployés pour évacuer cette zad de quelques centaines de personnes révèlent que les rapports de force sont tout sauf équilibrés. Maintenant, il faut miser sur l’après. Plus on se concentre sur la volonté de détruire un système, plus on le renforce, paradoxalement. A continuer de se focaliser sur la destruction du capitalisme, on ne pense pas l’alternative. On oublie de prendre le temps de réfléchir à ce qu’on voudrait créer. Moi j’aimerais passer plus de temps à approfondir cette question.

Et celle de C.

On disait avant que les mouvements doivent être d’une ampleur mondiale pour former des coalitions.  Je suis d’accord, mais il faut tenir compte de la complexité toujours plus grande des situations. Les coalitions et les relations de confiance ne sont pas vraiment possibles dans une société qui valorise l’individualisme. Si ce sont toujours les mêmes personnes qui prennent des responsabilités, la répression va être encore plus forte parce que le pouvoir cible quelques leaders – présumés ou pas. Et si ce sont toujours les mêmes qui poussent à l’action, quand on leur « coupe la tête », tout s’arrête. On a peur de s’engager parce qu’on a vu ce qui est arrivé au précédent, qui pourtant avait la niaque.

Dans le récent débat évoqué plus haut entre juge, procureur et avocate, la juge Florence Krauskopf a apporté un point de vue tout en nuance : « l’évolution des jugements montre que nous sommes dans une société qui bouge. Ce qui est considéré comme inadmissible un jour pourrait ne plus l’être avec le temps ». Yves Bertossa, lui, avertit : « Peu importe la légitimité ou non de la méthode, il ne faut pas attendre de la justice qu’elle règle les problèmes politiques soulevés par les militants. (…) Même si nous décidions de ne plus infliger de peines, les causes défendues n’avanceraient pas pour autant, car des exemptions de peine ne feraient en rien avancer les lois ».

Dans un article paru dans « Le monde diplomatique » sous le titre « Brutalisation de l’ordre manifestant »,[8] le sociologues français Laurent Bonelli examine l’évolution de la répression des manifestations depuis le siècle dernier. Son analyse est intéressante, même si elle porte plus spécialement sur la situation en France. L’auteur se dit impressionné par la mise sur pied et l’organisation  des forces de l’ordre, « une prolifération de différents corps de police plus ou moins armés », « pour arriver à une « judiciarisation du maintien de l’ordre ». « Il s’agit d’en finir avec l’impunité et donc d’identifier et d’arrêter les fauteurs de troubles ». « Cela implique d’aller à l’intérieur des cortèges pour « impacter » ou « percuter des groupes hostiles ». Parallèlement, poursuit l’auteur, les manifestants sont mieux organisés. Alors s’érige un « ordre manifestant » qui peut être reconnu comme une expression démocratique du dissensus ». Dans cet ordre d’idées, il cite aussi les propos d’un commissaire de police en 1997 : « Désormais, tout citoyen est appelé un jour à devenir manifestant, et je partage l’analyse qui veut que la manifestation soit un correctif à l’élection ». « Aujourd’hui, poursuit le sociologue, l’ordre tient le discours que les manifs rassemblent des « foules », des « meutes » ou des « hordes », une conception qui se rapproche du 19ème siècle avec une vision d’une « populace ignare et brutale » devant qui on tend à exhiber sa force pour intimider et utiliser la justice pour neutraliser, même temporairement ». Toute comparaison avec les forces de police suisses est aléatoire…

*

 Pour les activistes: comment se positionner face à la justice

Peut-on imaginer une sorte d’alliance implicite avec la justice, dans la conviction que pour faire avancer la cause du climat elle a un rôle à jouer ?

La réponse de C.I.

Alors personnellement, je vais bouger dans ce sens-là s’il y a une possibilité de faire avancer ces questions de cette manière. Parce qu’on se doit de le faire. En Suisse, nous vivons avec des privilèges énormes, tandis que les personnes qui ont le moins contribué à la crise climatique subissent déjà ses conséquences de plein fouet. C’est pour ça que nous ne pouvons pas baisser les bras ici et qu’une certaine diversité des moyens d’actions est nécessaire. Certaines tactiques ont été évoquées, comme de submerger la justice et de prendre la bureaucratie à son propre jeu ou de submerger le parlement avec une multitude de revendications (ce qui était le but d’Extinction rébellion  à la base). Mais il y a tellement de personnes en prison, tellement d’affaires en cours, qu’on n’arrive pas à suivre.

Si un juge ou quelques juges sont capables de reconnaître l’existence chez les jeunes d’un sentiment d’anxiété et de considérer que la volonté d’agir a une dimension honorable, est-ce que cela peut changer la relation entre juge et inculpé ?

Ce qu’en pense C.I:

Oui, je pense. C’est le seul élément qui permet de rappeler qu’il y a quelque chose de profondément humain dans cette mobilisation, y compris la peur de la finitude – des ressources et de la vie !  A un moment donné on peut se retrouver toutes et tous ensemble, toutes et tous dans la même tempête, mais pas dans le même bateau. On ne vit peut-être pas les mêmes réalités, mais on peut ressentir les mêmes émotions, ou les mêmes angoisses, ou les mêmes peurs existentielles. Par contre, il faut qu’on fasse très attention, nous petits activistes un peu bobo, à ne pas se mettre au-dessus de certaines réalités ou de certaines contingences. Par exemple ce que vit la classe ouvrière. Des personnes qui découvrent le travail parce qu’elles font un mois la plonge dans un restaurant prennent soudain conscience de cette réalité et des injustices.

La réflexion de C.I. montre la nécessité de ne pas considérer les activistes comme un groupe homogène, mais  de tenir compte des ressources sociales, intellectuelles, psychologiques des uns et des autres. Être activiste ou militant n’implique pas de se montrer déterminé, en l’absence de tout doute.

Elle s’explique :

Tout le monde n’a pas les mêmes ressources ; on n’a pas toutes et tous le même parcours.  Il faut se rendre compte que de pouvoir faire de la désobéissance civile, c‘est un privilège. Après, en ce qui me concerne, je ne dirais pas que j’ai totalement perdu espoir, parce que si c’était le cas, je ne ferais vraiment plus rien. Mais il faut reconnaître qu’avec ce qu’il se passe dans le monde, le découragement de la jeunesse, le racisme, la remontée de l’extrême droite à peu près partout, l’incertitude est totale et je ne suis pas particulièrement optimiste sur les moyens de lutte à disposition. Pour moi, l’essentiel c’est la question de la dignité. J’ai reçu pour mon anniversaire un livre intitulé « Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce » de Corinne Morel Darleux. Il plaide justement pour la dignité du présent et je l’ai trouvé absolument magnifique. Pour moi, la lutte aujourd’hui c’est ça : se battre pour la dignité de tous et toutes en cet instant et réduire la souffrance du mieux qu’on peut.

*

La justice sous le regard des avocat.es

Très impliqués dans la défense des activistes du climat, les avocat.es se montrent sceptiques quant à l’efficacité des stratégies utilisées. Interrogée sur les velléités du mouvement Extinction-rébellion  d’encombrer la justice par de multiples procédures en vue de la paralyser, l’avocate Irène Wettstein, exprime sa perplexité :

Ça peut fonctionner dans une certaine mesure : des décisions politiques ont été prises. C’est d’autant plus intéressant que de nombreux juges n’avaient jamais entendu parler de la crise climatique et qu’ils se trouvent confrontés à de nombreux activistes qui leur parlent chaque fois de leurs angoisses. Le risque, c’est que la justice tente d’éviter les procédures orales pour empêcher la publicité faite à la cause qu’ils défendent, et tout se passera par écrit. Je pense que pour les manifestants du climat, ce n’est pas la meilleure voie à suivre, car ce n’est pas ce qui sert le mieux leur cause. On en appelle aux tribunaux pour faire respecter la loi, parce que la loi existe. C’est le devoir de l’Etat de l’appliquer. Mais pour le moment, il ne se passe rien. Dans l’affaire de la partie de tennis au Crédit suisse, la procédure peut durer deux ou trois ans. Il en va de même pour le dossier des « Aînées pour le climat », même s’il est au sommet de la pile à la CEDH. 

Dans les pays où des associations et des collectifs ont porté devant la justice leurs griefs contre l’insuffisance des mesures prises par l’Etat en matière climatique, les Pays Bas, la France, leur requête a été jugée par la plus haute instance nationale : Cour suprême ou Conseil d’état. Une telle juridiction n’existe pas en Suisse. On peut donc se demander si un telle Cour rendrait les jugements plus favorables à la cause du climat.

La réponse d’Irène Wettstein :

Peut-être, parce que c’est la Constitution, texte fondateur de la Suisse, qui garantit les droits fondamentaux. Actuellement, c’est le Tribunal fédéral qui tranche, et c’est intéressant de constater que dans l’affaire des joueurs et joueuses de tennis du Crédit Suisse, la Cour de droit pénal n’a pas retenu l’« état de nécessité » et a estimé que les prévenus devaient être condamnés, alors que dans la Cour de droit public, qui se prononce sur l’application du droit constitutionnel, les juges se prononcent différemment. Dans une affaire similaire à Bâle où des manifestants avaient occupé l’UBS et répandu du charbon devant le bâtiment etc., cette cour s’est opposée au prélèvement de l’ADN des prévenus demandé par le tribunal inférieur, au motif que les manifestants exerçaient leur droit d’expression et de réunion. On voit là que chacune des deux Cours applique le droit selon sa conception.                   

Typiquement, en matière de procès climatiques, les juges pénaux devraient se poser la question de la portée de leurs jugements. L’acquittement prononcé par le juge Colelough a marqué les esprits.  Même si ce jugement  a été cassé par la suite. On constate donc une brèche dans les réflexions de certains juges qui s’aperçoivent que leur jugement prend de l’importance et qu’il peut indiquer le chemin vers une reconnaissance par la société du problème climatique et de la nécessité de dénoncer ce danger par tous les moyens non violents.

Alors que dans leurs communications aux médias, les juges tiennent à souligner qu’ils ne font qu’appliquer la loi, rien que la loi et qu’ils ne disposent d’aucune latitude pour l’interpréter, des juristes s’inscrivent en faux contre cette affirmation. En fait, les juges ont toujours à se demander quelle règle s’applique à quelle situation. Mais c’est vrai que la possibilité d’interpréter la loi n’appartient qu’aux plus hautes instances. Si le Tribunal fédéral, dans ses arrêts, estime que l’article 17 du Code pénal[9] sur l’état de nécessité ne s’applique pas parce que le danger n’est pas imminent, les tribunaux de première instance ne peuvent pas l’appliquer.

*

Actions climatiques : leur évolution avec le temps et les effets qu’elles ont provoqués

Il est incontestable que la plupart des actions climatiques ont connu un fort ralentissement à partir de 2020, notamment en raison de la pandémie de Covid-19. Mais pas seulement. Divers facteurs ont joué un rôle, parmi lesquels la répression, l’hostilité ou l’incompréhension manifestées par l’opinion publique, les critiques du monde politique, et sans doute aussi la recherche de nouvelles stratégies. Le mouvement n’a certainement pas disparu. Les quelque soixante mille personnes réunies à Berne le 30 septembre 2023 pour une méga-manifestation pour le climat l’ont prouvé, même si elle sentait un peu le réchauffé.

« Pour qu’un individu s’engage dans un comportement de protestation », estime le politologue Pascal Sciarini, « il doit avoir le sentiment que ce n’est pas en vain et qu’il a des chances d’exercer l’effet escompté ». Or, selon lui, « une partie de l’électorat est devenue plus fataliste, découragée par l’impression que seule la petite Suisse n’a finalement que peu d’influence », et chacun souhaite préserver son mode de vie.[10] Pour d’autres observateurs, l’activisme ne faiblit pas mais il prend d’autres formes. C’est ce que constate le magazine Reporterre qui rapporte une rencontre militante à Notre Dame des Landes, le territoire d’une ZAD célèbre et victorieuse contre la construction d’un nouvel aéroport. Cette rencontre fut l’occasion de faire le point sur divers combats, pas seulement des occupations de terrain, mais aussi des actions militantes, l’étude de projets ou le recours à la justice. Selon le magazine, les moyens juridiques sont employés dans 77 % des luttes, dont certaines ont été directement inspirées par le combat contre l’aéroport.

Sans doute peut-on parler d’une internationalisation des mouvements pour le climat et d’une intense activité judiciaire, puisque que nombreuses procédures civiles ou pénales sont encore en cours et que de nouvelles actions en justice contre des gouvernements ou des multinationales de la part de diverses organisations se multiplient. Le tableau offert par ces recours et ces nouvelles actions est difficile à décrire de manière précise. En revanche, ce qui intéresse les chercheurs et les médias, c’est la mesure de l’impact de cet activisme et l’analyse de la manière dont il est accueilli par le l’opinion publique.  Alors que les propos entendus dans la population sont majoritairement négatifs, des décisions récentes ou des recherches font apparaître un bilan plus favorable. De plus, des jugements de la CEDH, notamment celui sur l’action des « Aînées pour la protection du climat » ou sur le recours des « joueurs de tennis » du Crédit suisse, sont attendus avec espoir.

Pour partir d’un cas récent et concret, il faut relever que les tumultueuses manifestations en France contre les « méga-bassines » ont été couronnées de succès. Le Tribunal administratif de Poitiers a annulé les arrêtés qui les autorisaient, jugeant que ces projets étaient contraires aux mesures nécessaires d’économie de l’eau. Il a même décrété un moratoire établissant que tous les travaux doivent être suspendus jusqu’à ce que tous les recours en justice aient été épuisés. Selon les médias, le jugement établit que « outre le fait de spolier les autres exploitants de cette ressource, l’impact environnemental sur les écosystèmes est considérable ». Soulagé mais amer, un des recourants note qu’« il faut mettre en regard les succès obtenus par les opposants dans l’arène judiciaire et la répression dont ils font l’objet ». [11]

De manière plus générale, une étude de l’EPFL a tenté de mesurer pour la première fois les effets des démonstrations de force des jeunes pour le climat et d’examiner quelle a pu être l’influence de Greta Thunberg sur la mobilisation en Suisse et ailleurs dans le monde. Il convient en effet de rappeler qu’à l’origine du mouvement climatique, en août 2018, la militante suédoise était seule à faire la grève de l’école tous les vendredi, assise devant le parlement à Stockholm, et qu’un an plus tard il y avait 4 millions de manifestants à battre le pavé tous les vendredi dans 150 pays.[12] Selon cette enquête, 66,5% des Suisses disent soutenir Greta Thunberg, dont un tiers déclarent même avoir changé grâce à elle leur comportement dans les domaines de la  mobilité, de l’alimentation, du traitement des déchets, ou, de manière générale, de la protection de l’environnement. Cette enquête indique par ailleurs que 54% des personnes interrogées soutiennent également, mais dans une moindre proportion, les manifestants suisses. Certes l’enquête date de 2019, et la comparaison avec le soutien de la population aujourd’hui ne serait probablement pas aussi favorable. Les chercheurs tirent cependant cette conclusion : « Les comportements individuels sont capables de créer du changement tant qu’ils sont accompagnés d’actions politiques allant dans la même direction. La combinaison des deux est indispensable ». [13]

« Ce type de manifestation a un potentiel de persuasion au-delà des personnes déjà convaincues » ajoute Le Temps. « De nombreuses personnes ont conscience de l’urgence climatique mais ont de la peine à passer à l’action ». « C’est sur ces personnes que la grève climatique a du succès ». Le journal relève toutefois que le contexte socio-politique a changé en raison de divers facteurs, tels que la guerre en Ukraine ou l’inflation, et que l’intensification des effets du réchauffement engendre un fort sentiment d’insécurité, ce qui diminue la tolérance au désordre. La stratégie du mouvement a aussi changé, passant de la manifestation massive à la désobéissance civile. « Et dans certains cas, cela a porté ses fruits ». « L’influence sociale de ce type d’action n’est pas du tout la même que celle des grèves (…) Elle hérisse le poil, ce qui peut provoquer une réflexion, pour peu que ces mouvements soient perçus comme ne mettant pas autrui en danger ». Les résultats de ces enquêtes sont certes encourageants, mais ils ne parviennent pas à étouffer les voix critiques et les commentaires négatifs qu’on entend dans la population.

Restent parfois les bonnes surprises… Telle que cette lettre de lecteur intitulée « Reconnaissance et soutien »[14] : « Militer c’est prendre le risque douloureux de garder les yeux ouverts sur des choses sales… C’est pourquoi j’ai toujours préféré les militants aux militaires ». « Or voici donc, à nouveau sortie en Suisse une artillerie beaucoup plus lourde et mieux organisée [contre les manifestants] que s’il s’agissait d’examiner les rapports foireux de multinationales toxiques ou l’inextricable fouillis d’avocats véreux au service de grandes sociétés financières ». A partir de ce jour, je soutiens financièrement la grève du climat ». 

*

 Et la politique ?

Il est devenu habituel de parler des militants comme de « jeunes activistes » voire de « jeunes » marginaux pratiquant la désobéissance civile, des révoltés hostiles aux institutions. Nous l’avons pourtant déjà relevé dans les précédents chapitres : ceux qui occupent la rue ou se collent les mains sur le bitume, ceux qui labourent les terrains de golf ou qui occupent une zone à défendre, les échevelés qui vivent dans le arbres et qui se moquent de la police, tous sont souvent aussi des politiques.

C’est ce qu’a fait remarquer aux juges l’avocat des joueur de tennis du Crédit suisse Raphaël Mahaim :

Les jeunes du tennis au CS ont été excellents, intelligents, etc. Ce sont les clients les plus faciles à défendre. Quand le juge a commencé à aborder la situation personnelle des prévenus pour leur infliger une peine en relation avec leur situation matérielle, il les a interrogés sur leur profession, les réponses ont été impressionnantes : pour l’un, étudiant en physique à l’EPFL, pour un autre, président de la Commission des finances de son Conseil communal… Deux jeunes étaient  en couple, ce que la juge n’avait pas compris. On prenait ainsi connaissance de tout le parcours de ces gens et on ne pouvait que les approuver. Encore une fois, ils étaient « biens sous tous rapports » ! L’un d’eux, élu à la Tour de Peilz, a terminé ses études de physique et il commence  la médecine pour donner plus de sens à son orientation. Ils ont du plomb dans la cervelle et ils sont engagés dans la politique institutionnelle.

D’autres juges, dans d’autres procès en ont également fait l’expérience lorsqu’ils se sont trouvés face à deux élus communaux de Lausanne, Valérie d’Acremont et Blaise Genton, prévenus au même titre que des dizaines d’autres pour l’occupation d’un pont. « Vous avez pourtant prêté serment de  respecter la loi », s’indigne la juge. Pas de chance, ils ont été élus après l’infraction ! « Agir autrement lorsque la politique institutionnelle faillit dans sa mission de protéger la population, c’est aussi une de nos responsabilités d’élus » (…). « Ce n’est pas à nous d’être sur le banc des accusés, mais ce devrait être les responsables du désastre écologique », répliquent les deux prévenus. « Notre devoir de scientifiques est d’informer et de protéger la santé de la population, la manifestation pacifique est l’un de ses moyens ».[15] Conclusion, les deux élus écopent d’une peine pécuniaire plus élevée que leurs autres compagnons de prétoire !

Tout récemment, le quotidien Le Courrier a publié un appel de la « Grève du climat » à voter lors de l’élection du 22 octobre au Parlement fédéral, une démarche plutôt inattendue mais pertinente : « Pendant les quatre prochaines années, le Parlement votera des lois qui auront un effet réel sur nous, notre environnement, nos mouvements aussi. Prosaïquement, pour nous, ne pas voter (…) c’est laisser le champ libre à la droite ». « Même si les règles sont injustes, il nous semble irresponsable de ne pas y jouer ». « Formulons des hypothèses : des mouvements sociaux devenus suffisamment larges et déterminés pour arracher à l’Etat leurs revendications radicales. Ou alors un raz de marée électoral qui laisserait les coudées franches aux députés pour mettre en place les mesures adéquates. Mieux : ces deux hypothèses simultanément ? (…).  L’appel à projet est ouvert. Mais dans tous les cas, nous n’avons pour l’instant pas le luxe de délaisser ni les urnes ni la rue ».[16]

Le mouvement pro-climat vise des buts diversifiés, concernant la biodiversité, l’agriculture, la finance, l’économie, le commerce, l’énergie, l’eau, la mobilité, la restauration des bâtiments, etc. Chacun de ces domaines a fait l’objet d’une ou de plusieurs actions spécifiques, mais tous sont reliés dans une perspective globale. C’est exactement ce qui se conçoit comme un projet politique. Du coup, certains observateurs l’ont décrit comme un projet révolutionnaire anticapitaliste. Certes, il vise les riches et l’impact de leur mode de vie sur l’environnement, mais il ne se fonde pas sur la théorie marxiste de l’appropriation des moyens de production ou sur la lutte des classes, contrairement à l’hypothèse posée par le Temps en août dernier.[17] Il vise à maîtriser un danger imminant et à préserver la vie sur Terre dans une perspective de justice sociale et de solidarité. Un programme concret et pragmatique, même s’il appelle à un « changement qui doit être systémique » et qui ne pourra pas être réalisé sans les institutions, y compris juridiques : car  « il revient à la justice d’agir, surtout quand les pouvoirs législatifs et exécutifs ont échoué ».

Ce mouvement ne peut pas non plus être confondu, comme certains ont tenté de le faire, avec des groupes d’émeutiers qui cassent les vitrines et dévalisent les commerces. La récente « descente » en ville de Lausanne de bandes de jeunes suscite des moqueries de la part des grévistes du climat qui dénoncent la stupidité de ces victimes de l’idéologie consumériste : « On ne peut vraiment pas faire plus bête comme manière de se faire entendre ».

Les activistes du climat réfléchissent : c’est un mouvement qui ne manque pas de substance. Ils savent qu’il faut diversifier les approches et les stratégies. Ils se réfèrent au militant suédois, Andreas Malm, selon qui « les mouvements sociaux dits pacifiques du XXème siècle (droit de vote des femmes, apartheid en Afrique du Sud, droits civiques aux USA) n’ont pu s’imposer que grâce à un flanc radical pratiquant le sabotage » (…) « Toutes ces luttes aujourd’hui perçues comme non-violentes étaient en réalité accompagnées d’une aile plus radicale, (…) permettant  aux modérés de paraître plus crédibles, voire nécessaires pour éviter le chaos ». Le mouvement « Stay Grounded » qui a bloqué l’aéroport de Genève, revendique cette stratégie : « Les actions directes normalisent des idées auparavant perçues comme plus radicales ». Mais ce mécanisme ne semble pas jouer en Suisse : les Vert.e.s perdent des voix… « Nos adversaires politiques vont toujours tenter de nous associer à des actions clivantes pour chercher à nous affaiblir  lors d’échéances électorales. Cela devient parfois un peu pathétique tant la ficelle est grosse ».[18]

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Nous avons évoqué plus haut la participation des élus et des politiques aux actions et manifestations, mais  un  autre groupe y apporte aussi ses alarmes implacables et documentées : les scientifiques. Aux yeux de la justice et de la politique institutionnelle, c’est une circonstance imprévue et embarrassante. Il apparaît cependant que les juges sont peut-être mieux disposés que les politiques à écouter leurs discours, voire à en tenir compte. Quand la professeure de l’Université de Lausanne Julia Steinberger participe à l’action de « Renovate Switzerland » et se colle la main au bitume, son courage est tantôt loué, tantôt perçu comme une provocation.  Les Universités peuvent-elles tolérer cette politisation de l’institution académique ?

Sous le titre « Les scientifiques au front », le Courrier se fait l’écho d’un débat tenu à l’Université de Fribourg.[19] Pour la doyenne, Astrid Epiney, la participation d’un.e professeur.e à une action de désobéissance civile relève de sa vie privée et non pas de l’Université en tant qu’institution. Deux professeurs, un pénaliste et un géographe ne sont pas d’accord entre eux. Le premier est catégorique : « S’opposer à l’Etat de droit, c’est un délit un point c’est tout ! (…) En parlant de désobéissance civile, on crée une espèce de catégorie intermédiaire, de voie du milieu, qui n’a pas lieu d’être ». Son collègue est plus nuancé : si la désobéissance poursuit une cause juste, c’est acceptable. Il cite à son tour, comme beaucoup de défenseurs de ce type d’actions,  la désobéissance de Rosa Park, en 1995, qui a refusé de céder sa place dans un bus à un voyageur blanc : « Si elle ne l’avait pas fait, l’histoire des USA aurait peut-être été différente ». Loin de considérer que la participation de scientifiques à de telles actions décrédibilise l’enseignement dispensé à l’Université, tant que ce n’est pas de la propagande diffusée dans les cours eux-mêmes, il exprime sa compréhension : « Cela fait 30 ans que les scientifiques réitèrent les mêmes analyses avec de plus en plus de précision. A force de ne pas être écouté.es, elles et ils ont décidé de s’engager plus activement sur le terrain médiatique, voire de façon encore plus radicale ».

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Evolution des mouvements activistes et de la justice

Beaucoup des jeunes engagés dans l’action pour le climat ont parfois tendance à se présenter comme la génération salvatrice qui a été la première à prendre conscience du danger et à s’investir massivement pour nous en préserver. Du coup, il leur arrive d’accuser la génération des « trente glorieuses » de n’avoir pensé qu’à leur bien être et d’avoir saboté la planète. C’est faire peu de cas des protestations, grèves, manifestations, insurrections qui ont secoué le monde depuis ces dernières décennies et la manière dont elles ont été traitées.  Le 6 juin 2003 fut un jour mémorable pour toute une génération de manifestants : une opération d’envergure, inter-frontières entre la Suisse et la France, qui  a rassemblé des dizaine de milliers de personnes pour protester contre la tenue à Evian d’une réunion du G8, le groupe des huit Etats qui dominaient le monde néolibéral. Les opposants avaient décidé de « mettre le feu au lac », au nom de la lutte contre la mondialisation et les inégalités sociales. Deux activistes  tentèrent une action pour barrer l’autoroute Lausanne-Genève devant le cortège des  délégations officielles pour Evian. Ils s’encordèrent aux glissières du pont de l’Aubonne, à l’extérieur, surplombant la rivière. Avant l’arrivée du cortège, un policier entreprit de couper la corde : le jeune activiste qu’elle retenait fut précipité en contrebas dans la rivière, tandis que sa collègue fut retenue par des manifestants. Ils s’en remirent tous les deux, non sans mal.

Revenus sur place en pèlerinage le 6 juin 2023, ils adressèrent, par l’intermédiaire des médias, un message aux activistes d’aujourd’hui, avec ces recommandations : « considérer les possibles traumatismes, prendre soin les uns des autres, se préparer à la répression policière »« Je suis plus forte que ceux qui ont failli nous tuer », ajouta la jeune femme. « J’ai réalisé que nous n’étions pas préparés (…) Il ne faut pas simplement perturber le système en atteignant des personnes qui en sont victimes ou inconsciemment partie prenante, mais mieux viser pour toucher directement le gouvernement ou les banques par exemple ». Cette manifestation anti G8, rappellent-il et elle était une protestation « contre la concentration du pouvoir dans quelque 1% de la population mondiale, ce qui n’a pas changé (…). Que l’on se mobilise pour le climat ou pour les droits humains, l’objectif est le même ». « La police n’a pas changé, mais les gens continuent de lutter, et lorsqu’un accident arrive, il y a beaucoup de soutien. C’est l’inverse de ce que font les autorités. C’est incroyablement fort et ça continuera ». [20] A noter que les policiers ont été jugés non-coupables, « ce qui démontre, selon les protagonistes, la complète immunité du système ».

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Si les activistes de 2003 déplorent la « complète immunité du système », où en sommes-nous en 2023 ? Plusieurs actions en justice sont encore en cours, dont celle des « Aînées pour la protection du climat », entre les mains des juges de la Cour européenne de Strasbourg. Leur verdict est attendu d’ici la fin de 2023 ou le début de 2024. Les Aînées ont de bonne raison d’espérer. Ce ne serait pas la première condamnation de la Suisse : une ou deux affaires restent dans les annales. C’est le cas pour les proches d’un citoyen décédé en 2005 d’un cancer dû au contact de l’amiante dans le cadre de son travail dans les années 1970. Le Tribunal fédéral (TF) avait rejeté les demandes de réparation jugeant l’affaire prescrite. Mais la CEDH l’a obligé à réviser cet arrêt. Par la suite, le parlement a étendu le droit de prescription de dix à vingt ans. Quant au Conseil fédéral, il a proposé de créer une fondation pour les victimes de l’amiante en Suisse. Plus récemment, un veuf, père de deux jeunes filles, s’est plaint de ne pas toucher une rente aux mêmes conditions d’octroi que les veuves. Après avoir perdu devant le TF, il a obtenu gain de cause à Strasbourg en 2022. La Cour a contraint le Conseil fédéral à suspendre immédiatement la discrimination pour tous les veufs. Quant au Parlement, il devra réviser la loi sur l’AVS à ce sujet.[21]

Ce n’est donc pas rien. Et si la Cour juge acceptable la requête des Aînées, le retentissement de cette condamnation sera considérable, même si le juge suisse de la Cour, Andreas Zünd, interrogé par le journal Blick,[22] relativise. Interrogé sur l’impact pour la Suisse d’une condamnation, il déclare qu’« Un jugement de la CEDH n’a que peu d’impact sur la Suisse. Mais, ajoute-t-il, les gens ont besoin d’avoir le sentiment que les juges les prennent au sérieux ». L’Association des aînées est plus optimiste: elle observe comment, en France, le Conseil d’Etat qui a condamné le gouvernement pour l’insuffisance de sa politique climatique, le talonne pour qu’il remplisse les objectifs assignés dans le délai prévu,[23] et elle compte sur la CEDH pour faire de même. Quant à Andreas Zünd, il admet que « chaque jugement [de la CEDH] est un gain pour la Suisse car il fait avancer la droit ».

Une autre menace semble toutefois planer sur les requêtes soumises à la CEDH pour cause d’inaction climatique, selon Heidi News,[24] c’est que « personne n’est assez qualifié pour se plaindre ». Or c’est bien pour le motif  qu’elles n’avaient pas la « qualité pour agir » en tant que victimes que les requêtes des Aînées ont été jugées irrecevables par les instances juridiques suisses, l’existence de leur association n’étant pas menacée par le changement climatique. De plus, comme le souligne le journal, « étant déjà âgées de plus de 80 ans, il n’est pas certain qu’elles soient directement affectées lorsque la limite des 1,5° sera atteinte » ! A Strasbourg, les choses pourraient être vues différemment… Ces problèmes, conclut Heidi News, « ne constituent par ailleurs qu’un exemple des limites procédurales très strictes dans lesquelles les procès climatiques s’inscrivent ».

Mais les choses bougent du côté de l’ONU et de son programme pour l’environnement (PNUE). Un communiqué de presse du 27.07.23, à l’occasion du 1er anniversaire de la décision de l’Assemblée générale de faire reconnaître comme un droit humain universel l’accès à un environnement propre et sain, fait le point sur les affaires judiciaires en cours. « Les chiffres  montrent que les contentieux liés au climat deviennent une partie intégrante pour faire avancer la prise de mesures ainsi que la justice climatique. » (2’180 en 2022, devant 65 instances dans le monde entier). L’agence onusienne se réjouit que les citoyens se tournent de « plus en plus vers les tribunaux pour lutter contre la crise climatique et demandent des comptes aux gouvernements et au secteur privé ». Toujours selon ce communiqué, le volume de ces contentieux va permettre d’accroître les précédents juridiques et de constituer un domaine de plus en plus défini, ce qui conduira à ce que plus de personnes  vont recourir aux tribunaux. Il ajoute que « les voix des groupes vulnérables se font de plus en plus entendre, souvent des enfants de 7 à 25 ans ».

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Nos interlocuteurs.trices réagissent à cette évolution

Pour Irène Wettstein, il faut d’autres moyens d’interventions :

En novembre 2021, nous avons créé une association, « Avocat.es pour le climat », dans le but d’agir dans les domaines administratif , pénal, ou civil, afin que le pouvoir judiciaire joue son rôle et fasse usage de son pouvoir. Pour l’instant, l’autorité judiciaire condamne les activistes, mais elle se prétend non compétente pour juger de plaintes de nature politique comme celle des « Aînées pour le climat ». Elle renvoie en corner sans prendre ses responsabilités. Il en va autrement à l’étranger où, pour des affaires jugées sur le plan civil, la justice prend ses responsabilités et prononce des obligations d’action ou des indemnisations.  L’objectif est d’amener la justice à condamner les entreprises responsables de pollutions ou les banques qui investissent dans les énergies fossiles. Ces actions sont possibles parce que les bases légales existent. La loi sur la protection de l’environnement, par exemple comporte une dimension pénale qui permet de sanctionner par des amendes les entreprises qui ne respectent pas ces dispositions. Faire des procès, c’est mettre sur la place publique la problématique du respect des lois par les entreprises et utiliser le pouvoir judiciaire pour donner de l’écho à des situations problématiques et faire en sorte que le pouvoir politique se saisisse du problème.

Les manifestations des activistes du climat ne suffisent-elles pas à créer cette dynamique ?

Elles sont insuffisantes. Elles constituent un élément déclencheur pour lancer un débat important, par exemple sur la question de la rénovation des bâtiments. Les joueurs de tennis du Crédit suisse nous ont permis de faire un procès dont tout le monde a entendu parler. Mais ça ne bouge pas beaucoup. De ce point de vue on peut admettre que la justice est dans une impasse. Si maintenant les « avocat.es pour le climat » s’engagent dans des procès contre des multinationales, nous allons devoir nous engager dans des procédures longues contre un pouvoir judiciaire qui ne comprend pas sa responsabilité et qui se fourvoie dans l’interprétation de la loi.

T.S. est plus pessimiste :

C’est vrai que le droit peut réussir à gommer ou réparer des violations des droits fondamentaux. Mais si on veut atteindre les objectifs de respect des limites planétaires, et réaliser la neutralité carbone, on n’y arrive pas ainsi.  Dans le domaine de l’environnement, actuellement, il ne se passe pas grand-chose. Politiquement on n’ose pas parler de décroissance. On n’a aucune mesure concrète, et aucun autre pays en Europe et dans les pays développés n’a pour l’instant la solution pour mettre en place une économie qui fonctionne et qui soit durable. On manque de ressources, déjà au niveau politique pour que le système judiciaire puisse faire son travail. La justice est en retard et je ne crois pas qu’elle puisse imposer des mesures qui ne font pas l’objet d’un consensus politique.

Retour sur la question de la judiciarisation de la politique

Au moment de clore cette enquête sur la judiciarisation de la politique, il s’impose de préciser ses limites. Nous avons choisi de concentrer notre attention sur les luttes climatiques parce qu’elles ont monopolisé notre attention ces cinq dernières années. Dans ce champ d’action, deux problématiques distinctes ont été abordées : d’une part celle de l’appel à la justice par des groupes, des associations ou des particuliers qui veulent faire reconnaître et sanctionner le préjudice ou l’insécurité subie en raison de l’insuffisance de l’action de l’Etat ; d’autre part l’activisme climatique dans lequel s’engagent des groupes ou des collectifs pratiquant la désobéissance civile, laquelle concerne la justice pénale ou civile et aboutit à des procès. Les deux domaines se rejoignent par le fait que les droits fondamentaux sont au cœur des décisions de justice.

Dans cette perspective, nous sommes partis de l’idée que la justice, pour ces deux modes d’action, peut jouer un rôle positif en ouvrant le champ de la politique institutionnelle pour y introduire une nouvelle appréciation des valeurs à défendre, ou une autre interprétation de l’urgence et de la nécessité. C’est cette vision positive du rôle de la justice que nous voulions développer. Elle nous a portés à imaginer et à souhaiter que son intervention apporte une contribution positive au renforcement la démocratie, de l’Etat de droit et des droits fondamentaux.

Il faut pourtant admettre qu’elle va parfois dans le sens inverse, en restreignant les libertés, comme cela se passe par exemple avec ce qu’on appelle les « procédures bâillon » que nous évoquons à la page suivante. Plusieurs éléments de notre enquête montrent aussi que la justice n’est pas immuable et qu’elle évolue, mais dans quel sens ? Vers plus de restrictions des droits et plus de répression ? Vers plus de démocratie et de protection des droits fondamentaux ? La question reste ouverte.

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Autres usages de la justice : migration, mendicité, procédures baillons

Un cas intéressant est celui du canton de Neuchâtel. Il s’est lancé dans une procédure contre la Confédération et plus précisément le Secrétariat aux migrations (SEM). Depuis quelques années, la loi sur l’asile permet de sanctionner les cantons qui n’exécutent pas les renvois de requérants vers le pays de premier accueil, comme le prévoit le régime de Dublin. La sanction consiste à les priver des subventions fédérales auxquelles ils auraient droit, ce qui représente plusieurs millions de francs. Le canton a donc lancé son action, d’une part pour s’opposer à la sanction financière, et d’autre part pour que la Confédération accorde une marge d’appréciation aux cantons afin qu’ils ne soient pas tenus « d’exécuter aveuglément les renvois ordonnés par le SEM » et pour « défendre le droit d’exercer un peu d’humanité ». A l’appui de sa requête, Neuchâtel cite le cas de deux personnes qui n’ont pas été renvoyées dans le délai prévu, mais qui ont par la suite obtenu l’asile : la preuve que le refus du renvoi était justifié. Après le refus du SEM de donner suite à la requête neuchâteloise, le Tribunal administratif fédéral, sur recours, a considéré que le canton « n’avait pas rencontré d’obstacle » à l’exécution du renvoi et que la sanction était justifiée. « Seuls des « obstacles objectifs » peuvent justifier une non-exécution des transferts Dublin », précise le tribunal. Des « obstacles objectifs » ? C’est maintenant au Tribunal fédérale d’éclairer ce concept qui vraisemblablement porte sur les moyens logistiques plutôt qu’humanitaires… Les autorités neuchâteloises restent sur leur position : « Il s’agit de renvoyer des gens et pas des paquets qui seraient arrivés au mauvais endroit (…). Nous avons des individus et des familles face à nous. Nous renvoyons des gens que nous connaissons alors que la Confédération traite des dossiers et ne rencontrera jamais ces personnes ». D’autres cantons, dont Vaud, sont aussi concernés par ces sanctions, mais Neuchâtel est le seul à avoir fait recours.[25]

Autre exemple d’un appel réussi à la CEDH : celui de l’avocate Dina Bazarbachi. Un arrêt de la Cour lui a donné raison sur le dossier d’une mendiante Rom dont les droits fondamentaux devaient être considérés comme violés par les amendes infligées pour mendicité. Les cantons de Genève et Vaud ont dû réviser leur loi sur la mendicité. Mais le jugement de la Cour montre ses limites : dans les deux cantons, la révision est disputée et l’avocate poursuit ses démarches. « Les premières contestations ont donné lieu à des décisions contrastées en fonction du regard présidentiel, explique-elle. Certains mendiants ont été exemptés de toute sanction, alors que d’autres ont seulement obtenu une réduction de l’amende. Il y a un problème de sécurité du droit ».[26] 

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De l’autre côté de la balance juridique, on rencontre notamment les mesures visant à museler les médias et les ONG, trop  enclines à révéler des secrets et des malversations que des Etats ou des entreprises préféreraient garder cachées. L’organisation suisse Public Eye se sent menacée : « Certaines multinationales ou grandes fortunes n’hésitent pas à brandir le glaive de la justice pour faire taire les voix critiques. Leur objectif n’est même pas d’avoir gain de cause devant les tribunaux mais seulement de bomber le torse pour faire peur aux ONG et journalistes qui s’entêtent à faire la lumière sur des activités qu’elles aimeraient garder secrètes (…). Attaquer plutôt que réfuter les critiques, n’est-ce pas un aveu de culpabilité ? »

En Suisse, une disposition du Code de procédure civile permet à la justice de prononcer une « mesure superprovisionnelle » pour empêcher la parution d’un article ou d’une enquête lorsqu’une personne ou une entreprise concernées le demandent en invoquant une « atteinte particulièrement grave » à l’honneur. En mai 2023, le Parlement a adouci les conditions : désormais, il suffira que l’atteinte soit juste « grave ». Récemment, la justice genevoise a interdit la diffusion d’une enquête de la RSI sur l’usage d’un polluant, réalisée en coopération avec un consortium de journalistes européens. Le tribunal a été saisi en urgence pour ordonner une interdiction provisoire de diffuser des informations supposées « attentatoires à l’honneur ou à la vie privée ».[27]

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Conclusion provisoire sur la judiciarisation

Interrogé par le journal « La Croix »[28], l’avocat français Patrice Spinosi, qui plaide devant les cours nationales et européennes, avoue se sentir « au cœur de la fabrique du droit, au plus près des juridictions qui déterminent des évolutions de la jurisprudence ». Pour lui, qui a fait reconnaître la notion de « préjudice écologique » et a fait supprimer le « délit de solidarité », « ces dossiers posent la question, [très sensible] de la légitimité du juge face au politique ». Contrairement au système anglo-saxon, en France, le juge n’est pas censé créer du droit. Mais Patrice Spinosi estime qu’« il y a eu une évolution avec le droit européen « gardien des libertés fondamentales », et cela même contre les atteintes que pourrait y porter la loi ». « Cette évolution institutionnelle est venue percuter de front notre conception de la légitimité démocratique fondée sur le principe de la souveraineté populaire. Avec à la clé la critique d’un « gouvernement des juges » dénoncé par certains ». « Plaider devant ces cours, ajoute-t-il, c’est occuper une « position clé, au croisement de l’institution judiciaire et des évolutions sociétales ».

Sous le titre « La judiciarisation de la société et du politique », la sociologue Martine Kaluszynski,[29]  développe une analyse des interactions entre les deux pouvoirs. Elle estime « qu’il est important de s’intéresser au sens de ce recours au droit et à la justice, dans la mesure où il tend  à faire du juge une figure d’autorité sociale et politique alternative, et donc concurrente au politique ». Dans ce sens, poursuit-elle, on crée une situation dans laquelle « un Etat judiciarisé se substitue à un Etat étatique, et c’est « ce qui expliquerait le fait que les juges sont investis ou qu’ils aspirent à s’investir comme producteurs de nouveaux instruments de connaissance et d’évaluation du fonctionnement du monde social et plus particulièrement du politique, ce qui est susceptible de les poser dans un rôle concurrent à celui de l’historiens ».

Aux yeux de la sociologue, l’Etat est devenu le plus grand consommateur de justice de ces dernières décennies, ce qui se marque par un « déploiement continu de la fonction politique au profit d’experts ». L’utilisation du droit et notamment de la justice pénale par le monde politique est de plus en plus manifeste, car « Le droit peut être à la fois instrument du pouvoir et moyen de contre-pouvoir ». Les mobilisations sociales mettent en cause l’action politique : c’est une évidence pour ce qui concerne le climat, mais l’oratrice le percevait déjà en 2006 : les mobilisations sociales « prétendent étendre le champ d’action de la règle à des domaines comme l’environnement ». C’est dans ce sens qu’on peut utiliser le terme de judiciarisation, « pour désigner ce qui serait l’extension du rôle de la justice dans l’institution ». Des problèmes de société qui impliquent une action politique et pour qui jusqu’ici on ne sollicitait pas la justice et dont celle-ci n’avait pas vocation à intervenir entrent aujourd’hui dans son champ d’action.

Nous sommes aujourd’hui, selon la conférencière, « dans un contexte où les juges affrontent le politique et où le public applaudit ». Mais cela pourrait changer car le politique se défend en réformant la justice. « Les juges risquent de redevenir les réprouvés d’aujourd’hui et la justice risque de retrouver sa traditionnelle position ancillaire de serviteur par rapport au pouvoir politique ». Relevant que le droit est devenu au fil des années « une ressources dont les acteurs politiques ne peuvent plus se passer et une arme privilégiées dans le combat politique », Martine Kaluszynski laisse entendre que « le processus de judiciarisation remet partiellement en cause la légitimité des élus au nom d’une conception plus exigeante de la démocratie qui ne saurait plus se réduire  aux seuls processus d’élection, mais respecter le pluralisme, garantir une participation directe des citoyens ».

A partir de là, deux évolutions sont possibles : le retour à une individualisation propre au libéralisme où les droits des individus priment sur celui des institutions, ou au contraire la nouvelle scène de la démocratie. Et de conclure : « la judiciarisation du politique n’est donc pas que création de normes contraignantes, à son égard, elle est aussi une manière de relativiser le politique ».

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En principe, cette enquête devrait s’arrêter là. Force est de reconnaître cependant que l’évolution des interactions entre justice et politique est incertaine et que l’avenir est flou. En ce qui concerne les actions et manifestations pour le climat, elles ont tendance à changer, mais elles ne cessent pas. En ce mois d’octobre 2023, Renovate Switzerland expérimente les « marches lentes », mieux acceptées par le public et peu susceptibles de sanctions pénales. Les militants disent que les passants les applaudissent ! Est-ce un signe d’adhésion, préliminaire à une mobilisation en faveur de mesures à la hauteur de l’urgence ? A voir. Dans l’actualité, on signale aussi une action du mouvement écologiste « les grondements de la terre » dans les jardins de Nestlé à Vevey pour dénoncer la privatisation des sources comme Vittel et la mise en bouteilles du précieux liquide, alors que menace l’assèchement. La mise en scène dans les murs de la multinationale fait l’objet d’un court compte-rendu dans la presse quotidienne, mais les « grondements » n’assourdissent pas Vevey, et le journal conclut que les manifestants ont quitté les lieux , « dans une ambiance bon enfant et sans résistance ».

Anne-Catherine Menétrey-Savary

Notes

[1]Appel publié dans « Cause Commune » ; 17.09.23

[2] ATS ; 11.10.23

[3] Collectif « Liberté politique », Daniel Dory ; 05.05.23

[4] Propos relatés par Le Courrier ; 31.05.23

[5] Avocate, défenseuse des « joueurs de tennis dans le hall du Crédit suisse, co-fondatrice de l’association « Avocat.es pour le climat ». Entretien réalisé le 09.08.22

[6] Un des trois jeunes militant.es climatiques interrogé le 19.09.22

[7] Idem

[8] Le Courrier + Le monde diplomatique ; 19.05.23

[9] Article 17 CP : « Quiconque commet un acte punissable pour préserver d’un danger imminent et impossible à détourner autrement un bien juridique lui appartenant ou appartenant à un tiers agit de manière licite s’il sauvegarde ainsi des intérêts prépondérants »

[10] Cité par le Courrier + La Liberté 04.10.23

[11] Rapporté par Le Courrier ; le 08.10.23

[12] Selon Le Temps, 20.09.23

[13] 24 Heures ; 09.09.23

[14] Philippe Morel, Arnex sur Orbe ; 24 Heures ; 09.08.22

[15] Compte rendu figurant dans le Courrier ; 14.02.22

[16] Appel de la grève du climat parue dans (Le Courrier ; 11.10.23 ) (extraits)

[17] Le Temps ; 12.08.23)  « Le retour de la  lutte des classes ? »

[18] Le Temps ; 12.08.2023

[19] Débat rapporté par Le Courrier ; 22.05,2023

[20] Propos rapportés par Le Courrier, 05.06.23

[21] Selon Le Temps ; reportage à Strasbourg ; 09.05.23

[22] Bilck 26.07.23

[23] Le Conseil d’Etat français  impose, le 10 mai 2023, de nouvelles mesures à prendre  avec délai à fin juin 2024. Il reconnaît que  le gouvernement a pris de nouvelles mesures, « mais il n’est toujours pas garanti de façon suffisamment crédible que l’Etat réussira à réduire de 40 % les émissions de GES d’ici 2030.

[24] Heidi News ; 04.04.23

[25] Selon Le Courrier ; 25.07.22

[26] Delon Le Courrier ; 03.10.22

[27] Selon Le Courrier ; 25.09.23

[28] La Croix, Marie Boëton  (04.07.23)

[29] Martine Kaluszynski, chargée de recherche au CNRS. Intervention lors du colloque RIAD, association internationale de l’Assurance de Protection juridique. Paris 21-22. 09.06