Infoprisons

Ateliers d’écriture : Plume libre

Ateliers d’écriture : Plume libre Prison de Lonay - 2021-2022

En 2021, Nathalie Henchoz, aumônière à la prison pour femmes de Lonay, la Tuilière, avait abordé Infoprisons pour présenter son projet de livre avec les textes écrits par des détenues dans le cadre d’un atelier d’écriture. Mais cette publication n’avait pas pu voir le jour à ce moment-là, le Service pénitentiaire vaudois n’ayant pas donné son autorisation. Nous nous étions fait l’écho de cette déception et de cette incompréhension, jusqu’à la Conseillère d’Etat vaudoise Béatrice Métraux. Finalement, c’est par le hasard d’une rencontre que nous avons appris que l’interdiction avait été levée, moyennant quelques précautions pour respecter la sphère privée des détenues. Aujourd’hui, nous avons pu nous procurer ce recueil, réalisé avec la diacre stagiaire Monika Bovier.

« Les murs continuent de tomber, écrit-elle dans son introduction, Les textes des détenues de la prison parviennent jusqu’à « l’autre côté ». « C’est avec une immense joie qu’une petite série de ces recueils prend son envol pour nous murmurer des mots et des maux, mais aussi un vent de liberté ».

« Le moment où la porte de notre cellule claque pour la première fois, nous réalisons que nous sommes entrées dans un monde inconnu, un monde auquel on doit s’habituer. Nous réalisons que notre vie d’avant est terminée pour l’instant et que nous devons dire adieu à ce que nous étions, nous revoyons le cours de notre vie et on craint que rien ne soit plus pareil. Les émotions sont mélangées, nos pensées aussi et nous ne nous contrôlons même plus. La confiance en soi est détruite ».  (Lydia)

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« La porte de la maison de notre intimité s’ouvre. C’est la police. 

La porte de notre cellule se ferme. Cela conduit à fermer toutes les portes de nos rêves, de nos projets et principalement de nos libertés.

On se retrouve devant différents magistrats qui ont principalement fermé la porte à l’idée de nous écouter. 

On est devant plusieurs portes fermées qui nous séparent de la réalité, de nos proches et de la liberté

Mais ce n’est qu’une poignée de personnes qui détiennent les clés pour nous ouvrir ces fameuses portes ». (Rachel)

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« Cette porte que l’on ne peut pas ouvrir soi-même, qui reste fermée malgré toute la volonté que l’on a de laisser passer un rayon de lumière. Que l’on puisse discerner une image nouvelle, une personne, un chariot…Lorsque j’ai été face à cette porte fermée qui m’a permis de me libérer, je ne peux que constater qu’elle a été le symbole de la fin d’une vie, d’un être dont je ne veux plus. Celle-ci a permis à une porte de s’ouvrir, et comme ce nouveau paysage est beau ». (Mirjame)

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« Quand les émotions sont fermées, cela nous blesse, mais quand notre parole est d’autant plus fermée, on ne se reconnaît plus. Les émotions sont enfermées au fond de nous et ne sont pas traitées, car notre parole est enfermée. Nous sommes seuls face à un « moi » qui ne guérit pas. Nous sommes impuissantes face à un « moi » qui est enfermé et qui traite des infos, des pensées, 24 heures jusqu’à ne presque plus dormir ». (Lydia)

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« Tout au long de ma vie, je me suis retrouvée à plusieurs reprises face à des portes qui se sont fermées en claquant. Quelle violence ! 

En revenant sur ces souvenirs, je m’estime fautive et victime en même temps. Mais… peut-on être fautif et victime alors que ce sont des opposés ? Oui, car je suis responsable, à chaque fois que j’ai claqué ou que l’on m’a fermé une porte. C’est mon attitude, mon comportement, mon égoïsme ou mon ego sur-dimensionné qui ont déclenché ces événements. Ensuite, il est très difficile, voire impossible de rouvrir ces portes fermées. Et si parfois une porte se rouvre à moi, il reste des fissures et des blessures. Des personnes en ont souffert, et moi-même également. Personne n’est épargné. Quelle tristesse !

Quel gâchis ! Quelle violence ! Pourquoi tant de souffrances ? Pourquoi n’ai-je pas réfléchi aux répercussions avant de passer à l’action ? (…)

Réfléchir, se repentir après coup, une fois que les portes sont closes, il est souvent trop tard car le mal est fait. Même la porte métallique de la prison, j’en suis responsable. » (Jeanne)

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« Nous avons plein de portes autour de nous. Certaines renferment nos craintes, nos cauchemars, nos traumatismes. Mais nous pouvons avoir la curiosité et la volonté de découvrir d’autres portes. Celles qui nous emmèneront vers nos espoirs, nos rêves et d’autres univers. S’il y a une porte, c’est qu’il y a une possibilité. Rares sont les portes qui n’ouvrent sur rien. Nous vivons chaque jour plusieurs petites délivrances : le matin, après le contrôle de vie, en fin de matinée pour aller chercher notre repas de midi… Ici, après chaque petite délivrance, on revient à la porte qui claque, suivi de la porte close ». (Rachel)

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« J’étais dans le noir complet, avec le brouillard qui empêchait les rayons de soleil de se percevoir. Tout à coup, au loin, je vois cette porte. Mais ! m’écriai-je : qu’est-ce que c’est ? C’est une porte ? Quoi ? Une porte ouverte ? Suis-je en train de rêver ou de planer ?

Et non ! En effet, elle se trouve devant moi cette porte qui s’ouvre. Mais je ne comprends pas. J’ai peur. Je ne suis pas prête, ni préparée. 

Les questions fusent dans ma tête. Que vais-je faire ? Que vais-je voir en dehors de cette porte ? Pourquoi s’ouvre-t-elle maintenant et pas avant ? Qui m’attends ? Où vais-je aller ? Mon esprit est tourmenté. Comme une tornade en plein été. La joie, la peur, la crainte et le bonheur me saisissent. Je dois y faire face et gérer tout cela, toutes ces émotions. Bon ! Allez, on y va !

Pourquoi avoir peur de cette porte ouverte, alors que j’étais dans l’obscurité jusque-là ? Non, je dis oui à la vie, oui à l’ ouverture, oui à l’inconnu. et enfin… Je franchis la porte… ». (Damari)

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