Édito
Madame, Monsieur, cher-es abonné-es,
Nous avons le plaisir de vous transmettre la nouvelle édition du bulletin Infoprisons.
Comme d’habitude, nous vous proposons d’abord la revue de presse en lien avec la prison et la justice pénale en Suisse.
Sous le thème de l’exécution des peines carcérales, nous publions l’article de Dr Dominique Marcot, médecin chef de la filière légale du Centre Neuchâtelois de Psychiatrie, sur le thème du secret médical en prison. Cet article fait suite aux réflexions de la direction de la prison sur le même sujet, publiées dans notre édition précédente (Bulletin 36). Nous revenons ensuite sur l’incendie à la prison de Bienne en 2021 avec des nouvelles informations sur le déroulement des faits et l’issue des plaintes pénales subséquentes. Cette édition aborde également la question de la psychiatrie forensique en Suisse avec l’article écrit par Dr Bruno Gravier dans Déviance et Société.
Dans ce numéro, nous explorons encore deux dimensions de la vie carcérale : l’expérience quotidienne de l’enfermement et l’expression créative derrière les barreaux. D’abord, nous vous proposons la suite du parcours immersif dans le monde de l’enfermement de Monsieur X, inspiré par nos connaissances théoriques et pratiques, ainsi que teinté par les expériences vécues et partagées de personnes détenues. Ensuite, nous reproduisons le recueil de textes écrits par des personnes détenues lors de l’atelier d’écriture « Plume Libre » de la prison pour femmes de Lonay, la Tuilière.
Dans un contexte où les systèmes juridiques traditionnels sont de plus en plus remis en question, deux contributions explorent des approches novatrices pour gérer la criminalité. La première s’intéresse à l’essor de la justice négociée en Suisse, une tendance qui gagne en popularité dans le traitement des cas de responsabilité pénale des entreprises. La deuxième approfondit l’approche de la justice restaurative à travers deux entretiens avec des spécialistes du domaine : Camille Perrier Depeursinge et Justine Chatellard.
Nous espérons que ce bulletin vous apportera des perspectives nouvelles et enrichissantes sur des questions de la justice pénale et de la prison.
Bonne lecture !
Le groupe Infoprisons est composé de Sylvie Arsever, Melody Bozinova, Lauriane Constanty, Michel Finazzi, Karen Klaue, Natalie Knecht, David Kneubühler, Quentin Markarian, Mathilde Marendaz et Anne-Catherine Menétrey-Savary.
Actualités
Tour d’horizon des médias.
Anne-Catherine Menétrey-Savary
Exécution des peines
Dr Dominique Marcot
David Kneubühler
Dans ce bulletin, nous reproduisons l’article de Dr Bruno Gravier sur la psychiatrie forensique en Suisse publié en 2023 par Déviance et Société.
Bruno Gravier
Autour de la prison
Natalie Knecht et Lauriane Constanty
Infoprisons
Justice pénale
Melody Bozinova
Rendre la justice autrement : voies restauratives et transformatives
La justice rendue communément à la suite de délits, infractions et crimes définis par un Code pénal et sa sanction principale, l’enfermement carcéral, ont fait l’objet de critiques qui ne datent pas d’hier : il ne réduit pas les conduites délinquantes, il ne resocialise pas de manière satisfaisante, voire accroît même la récidive, il ne garantit pas la sécurité et induit des coûts exorbitants pour la société, tandis qu’on n’arrête pas la construction de nouvelles prisons. La justice pénale rétributive met en scène, lors de procès, des juges, procureurs et avocats, qui représentent les principaux intéressés, à savoir auteurs et victimes. Ces derniers n’ont dès lors peu voire pas droit au chapitre et, surtout, ont peu de chances de se rencontrer.
La justice restaurative veut, quant à elle, permettre un dialogue et une relation restreinte et/ou élargie entre les deux partis, auteur et victime, pour réparer le lien rompu par l’acte commis. La justice restaurative se présente comme un complément, un supplément d’âme de la justice pénale. Cette approche commence à être connue du grand public, notamment à travers des films comme « Je ne te voyais pas » de François Kohler (2019) et « Je verrai toujours vos visages » de Jeanne Herry (2023), qui proposent un regard différent sur les acteurs d’un conflit dans une vision plus humaniste que la justice pénale.
Ancrée dans une perspective abolitionniste, la justice transformative prescrit une rupture totale avec l’institution judiciaire. Elle se distancie aussi d’une professionnalisation des intervenants dans un processus d’arbitrage et de conciliation entre auteurs et victimes et leurs communautés. Il s’agit de tenter de transformer les structures mêmes qui ont rendu possibles les violences commises. La justice transformative reste encore largement méconnue et éloignée des cursus universitaires.
Deux spécialistes de la justice restaurative et transformative nous ont accordé un entretien qui permet d’approfondir et illustrer ces approches.
Karen Klaue
Karen Klaue