Infoprisons

L’internement pour meurtriers mineurs passe la première rampe au Parlement. Quelles conséquences à long terme ?

Alors que le nombre de personnes nécessitant une prise en charge médicale, notamment dans le domaine psychiatrique, augmente dans les lieux de détention, les agent·es sont appelé·es à prendre en charge certaines tâches relevant des soins et à s’informer sur la santé des personnes détenues. Mais où se situe la frontière entre soin et sécurité, notamment en termes de secret professionnel ?

La proposition déposée « pour un internement des meurtriers mineurs dès 16 ans » par Andrea Caroni (PLR/AR) en 2016 a été acceptée le 13 mars 2023 par le Conseil des Etats contre l’avis de sa propre commission. Cette proposition de loi, également défendue par le Conseil fédéral, retourne en commission. Mais le franchissement de cette première étape est préoccupant.

Rappelons que pour les adultes, l’article 64 du Code pénal peut être appliqué s’il est hautement probable que l’auteur (condamné pour un crime à plus de 5 ans de réclusion comme assassinat, meurtre, lésion corporelle grave, viol, brigandage, prise d’otage, incendie, mise en danger de la vie d’autrui, etc.) récidive pour le même crime.

L’internement pour les meurtriers mineurs dès 16 ans est une proposition qui va à l’encontre des connaissances actuelles en délinquance juvénile. De nombreuses publications considèrent que la justice pénale des mineurs actuelle fonctionne bien [1][2].

En effet, le Droit pénal des mineurs (DPMin) prône des programmes d’éducation et de soins psychiatriques. Contrairement à la justice des majeurs, qui a un caractère principalement répressif, la justice réservée aux détenus mineurs est davantage tournée vers la protection et l’éducation et dès lors, selon l’art. 2 du DPMin, « une attention particulière est vouée aux conditions de vie et à l’environnement familial du mineur, ainsi qu’au développement de sa personnalité ». Par ailleurs, des études en psychologie développementale et en neuroimagerie soulignent que certaines zones du cerveau ne sont pas matures avant 20, voire 25 ans, notamment les structures préfrontales, impliquées dans le contrôle des émotions, des capacités de raisonnement et de réflexion. En tenant compte de ces faits,  pour de nombreux chercheurs, il n’est ainsi pas possible d’établir pour les mineurs délinquants un pronostic à moyen ou à long terme concernant le risque de récidive (ou pronostic de « future dangerosité » selon les initiants).

N’oublions pas que lorsqu’il aura 18 ans, le jeune sera considéré comme adulte et pourra être placé dans des prisons ordinaires, puisque le manque de places dans les institutions adéquates est déjà une réalité. Les prisons sont, évidemment, des lieux peu propices à l’application de programmes d’éducation et de soins.

Où seraient placés les internés condamnés alors qu’ils étaient encore mineurs? Selon Humanrights.ch [3], certains seraient destinés à rester détenus longtemps, sans projet d’avenir.

Michel Finazzi

Notes

[1] Nicolas Queloz (éd.), Droit pénal et justice des mineurs en Suisse, Droit pénal des mineurs (DPMin)/Procédure pénale applicable aux mineurs (PPMin), Zurich 2018, Schulthess Éditions Romandes.