Édito
Madame, Monsieur, cher-es abonné-es,
En 2010, quand Infoprisons était encore en gestation, les fondatrices ont longtemps cherché par quels moyens il serait possible de secouer la torpeur de l’opinion publique et des médias face au monde carcéral. Faire de l’information, raconter, questionner, protester, oui, mais avec quels moyens ? C’est alors que l’une de nous a contacté l’homme providentiel : François Zürcher. Serait-il d’accord de créer pour nous un site internet ? Bénévolement, bien sûr, vu notre manque de ressources ? Non seulement il l’a fait, mais pendant 10 ans il a pris en charge l’édition du bulletin. Sans lui, il n’y aurait pas eu d’Infoprisons !
François était un bricoleur de génie ! Actif dans divers domaines, musicien, voyageur, il était aussi sensible au problème de la justice pénale et des prisons. Pendant ces 10 ans d’investissement intense pour l’édition électronique du bulletin, il a aussi parfois rencontré des détenus qui nous sollicitaient : il se sentait proche d’eux.
Le décès de François en septembre dernier a profondément attristé toute l’équipe d’Infoprisons, qui l’avait encore accueilli avec joie lors de notre fête des 10 ans. Nous lui rendons hommage aujourd’hui avec reconnaissance.
Dans ce bulletin n°34, le dernier de cette année 2022, nous proposons plusieurs thématiques qui ont attiré notre attention. Nous commençons avec notre habituel tour des médias et ses diverses actualités qui ont marqué la prison et la sanction pénale. Nous y abordons notamment les nouveautés des politiques pénales, celles touchant aux conditions de détention et à la réinsertion des personnes privées de liberté. Par ailleurs, nous vous proposons un compte-rendu de l’intervention de Benjamin Brägger sur le développement des alternatives à la détention en Suisse, lors du Congrès de criminologie 2022. La détention administrative est abordée également par le commentaire d’une décision récente du Tribunal fédéral et ses implications sur la pratique. La détention pénale, quant à elle, est explorée à travers divers témoignages : la présentation du livre autobiographique « Dedans/Dehors » de Marina Jaques, le témoignage des proches de personnes détenues et les paroles d’une photographe qui a capté les visages de femmes incarcérées à travers son objectif.
Dans ce bulletin, nous inaugurons également deux nouvelles séries d’articles. La première vous propose un parcours immersif dans le monde de la détention, inspiré par des connaissances théoriques et pratiques, ainsi que teinté par les expériences vécues et partagées de personnes détenues. La seconde introduit un dossier intitulé « La judiciarisation de la politique : L’Etat de droit et la démocratie entre les mains de la justice et des tribunaux ? ». En réponse aux combats contre le changement climatique, qui se mènent tant à l’extérieur dans les rues, qu’à l’intérieur des Tribunaux, Infoprisons mène une réflexion sur le rôle de la justice dans l’orientation de la politique climatique. Nous nous penchons ainsi sur la notion de la judiciarisation de la politique climatique, et ce au travers de contributions diverses parcourant des expériences suisses et étrangères.
Enfin, nous souhaitons la bienvenue à nos nouveaux membres : Quentin Markarian, Mathilde Marendaz et Natalie Knecht. Trois nouveaux membres qui viennent renforcer notre équipe, et déjà impliqués de près ou de loin dans la défense des droits des personnes judiciarisées et/ou exerçant dans le milieu de la psychologie légale.
Le groupe Infoprisons est composé de Sylvie Arsever, Melody Bozinova, Lauriane Constanty, Michel Finazzi, Karen Klaue, Natalie Knecht, David Kneubühler, Giuseppina Lascone, Quentin Markarian, Mathilde Marendaz, Anne-Catherine Menétrey-Savary, Florent Morisod et Marie Salomon.
Actualités
Tour d’horizon des médias.
Anne-Catherine Menétrey-Savary
Autour de la prison
Natalie Knecht et Lauriane Constanty
Interview de Marina Jaques par Melody Bozinova
Anne-Catherine Menétrey-Savary
Melody Bozinova
Justice
David Kneubühler
Exécution des peines
Michel Finazzi
David Kneubühler
Dossier
La judiciarisation de la politique
L’Etat de droit et la démocratie entre les mains de la justice et des tribunaux ?
Infoprisons inaugure ici un dossier qui paraîtra en plusieurs épisodes, au fur et à mesure de l‘avancement d’une enquête entreprise l’été dernier autour de la notion de judiciarisation de la politique. Cette réflexion est née dans le contexte des combats engagés ces dernières années contre la dégradation du climat : d’une part l’action judiciaire contre la Confédération déposée par l’association « Les aînées pour la protection du climat », actuellement, sur recours, en mains de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) à Strasbourg, et d’autre part, les procès à l’encontre des militants pratiquant la désobéissance civile, zadistes du Mormont ou activistes du climat. Quel rôle la justice peut-elle jouer dans l’orientation de la politique climatique de la Confédération ? Peut-elle contribuer à l’infléchir vers des actions plus efficaces et courageuses ? Va-t-elle au contraire réduire à néant tout mouvement collectif de contestation et d’engagement citoyen par la répression et des condamnations sévères prononcées contre les militants ? C’est de cette interrogation très actuelle qu’il s’agira principalement. Mais la question du rôle de la justice dans le traitement d’autres problématiques politiques se pose également, qu’il s’agisse des procédures concernant par exemple la loi sur la mendicité, les banques et leurs investissements, ou les mesures sanitaires liées à la pandémie de covid.
Infoprisons a sollicité différents acteurs et spécialistes du droit pour recueillir leurs avis sur le développement des nombreuses procédures contre des politiques publiques auxquelles la justice est confrontée. Il s’agit, pour le moment, de trois avocats et juristes, deux professeures de droit, trois jeunes activistes du climat et zadistes, et la Co-présidente de l’association « Les aînées pour la protection du climat ». Le procureur général du canton de Vaud a répondu par écrit à nos questions (voir ci-dessous). Pour le moment, aucun.e juge n’a donné suite à notre demande d’interview.
Dans ce bulletin, on trouvera quelques-unes des réponses du juriste et avocat Gaspard Genton, suivies par la prise de position du procureur général Eric Cottier.
Anne-Catherine Menétrey-Savary
Florent Morisod
Eric Cottier : réponses aux questions d’Infoprisons
Gaspard Genton : C’est la Cour européenne des droits humains (CEDH) qui fait avancer le droit, pas la Suisse ! Interview